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13.12.2017 14:43 - L’existentialisme -MARCEL, SARTRE, CAMUS
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Màrcel (Gàbriel) (Paris, 1889 — id., 1973)¸ philosophe et dramaturge français

 

         À partir du Journal métaphysique (1914-1917), cet «existentialiste chrétien» opposa la subjectivité incarnée au sujet abstrait de la technique et de la science, et la posa comme seule médiation possible vers l"Etre: Existence et Objectivité (1925), Etre et Avoir (1935), le Mystère de l"Etre (1951), l"Homme problématique (1955), Pour une sagesse tragique (1969). On lui doit aussi des pièèces de théatre comme la Soif (1933) et Rome n"est plus dans Rome (1951).
 

 Jean-Paul Sartre (Paris, 1905 — id., 1980) philosophe et écrivain français  

      Philosophe, romancier, dramaturge, critique littéraire et journaliste, engagé dans la plupart des combats politiques de son temps, Sartre apparait comme un homme épris de liberté et intensément présent au monde: à ceux qui voudraient empècher l"écrivain de militer contre la guerre d"Algérie, de Gaulle lance «On n"emprisonne pas Voltaire».

Du philosophe des Lumières, Sartre a en effet bien des traits: une curiosité universelle, une capacité de travail et d"intervention impressionnante, une culture immense, classique par formation, moderne par choix, un gout manifeste pour effacer les frontières entre les disciplines (philosophie, psychanalyse et littérature par exemple), mais aussi entre les continents, les peuples et les classes. Pour Sartre, écrire un livre, penser se confondent avec l"engagement. C"est cet intellectuel-là que sont venus pleurer tous ceux qui, personnalités ou anonymes confondus dans une fraternité qui ne lui était pas étrangèère, l"accompagnent le 23 mars 1980 au cimetière du Montparnasse.

Un maitre à penser

     Avec ses lunettes aux verres épais – myope, Sartre deviendra presque aveugle en 1974 –, ses canadiennes sans age, ses écharpes, sa pipe ou sa cigarette, il est un symbole de la rive gauche et de l"intelligentsia parisienne. Le domaine qu"il a hanté occupe l"espace minuscule qui sépare le Flore des Deux Magots, d"où l"on aperçoit, en face, la brasserie Lipp et, à gauche de l"église, la librairie Gallimard. Sartre fut un homme de cafés, pour les rencontres et le travail, et aussi un homme de rue et de foule: dans combien de cortèges, de manifestations, n"a-t-il pas été photographié? Combien de lieux ou une collectivité semblait se chercher n"a-t-il pas occupés en Mai 68, ici la Sorbonne, là les usines Renault de Billancourt, ou encore la rédaction de Libération. Immédiate, l"image se révèle juste: Sartre s"est voulu absolument de ce monde et de son temps. Il s"est efforcé de tout vivre, en meme temps, et en restant maitre du jeu: la politique, la philosophie, la justice, la liberté, l"amour aussi, dont la place a été importante dans l"existence de cet homme chez qui la découverte de sa laideur (les Mots) a laissé libre le développement d"une séduction légendaire.

«L"universel singulier»

         Né en 1905 dans la bourgeoisie aisée, Sartre appartient à une génération brutalement jetée dans la fureur moderne par la Première Guerre mondiale. On pouvait alors tout aussi bien rever de tout détruire dans l"ordre de la littérature et de l"art – telle fut l"entreprise dada et surréaliste – que chercher son salut dans la littérature: tel fut son choix, celui du moins qu"ironiquement, et sans vraiment etre dupe, analyse l"écrivain qui, à presque soixante ans, écrit son autobiographie. L"essentiel est de se saisir comme un homme seul, mais dont la singularité renvoie à l"universel: ce concept de «l"universel singulier» est fondamental chez Sartre, comme le seront quelques autres dont les noms sont inséparables de la morale sartrienne – situation, mauvaise foi, salaud, engagement, liberté. C"est pourquoi il se présente dans les Mots comme exemplaire de sa génération et de sa classe.

De l"enseignement à l"écriture

     La culture classique fait partie de son héritage, et le succès à l"École normale supérieure à dix-neuf ans, de meme que l"agrégation de philosophie, à laquelle il est reçu premier en 1929 (l"année où il rencontre Simone de Beauvoir) ne font que confirmer cette inscription parmi les forts en thème. Pour autant, la culture contemporaine ne lui manque pas: les bandes dessinées, les films d"aventures partagés avec Anne-Marie, sa mère, lorsqu"il était petit garçon, plus tard la passion des romans policiers, l"intéret pour toutes les manifestations modernes de l"art et le goût des villes américaines en sont quelques signes. Professeur – au Havre; à Berlin, en 1933-1934, à une époque historiquement décisive, puisque Hitler accède au pouvoir en 1933; à Neuilly –, Sartre abandonne l"enseignement à la Libération pour se consacrer à son activité d"écrivain. Mais, en quittant la carrière enseignante, Sartre n"en abandonna pas les façons d"etre, et on peut considérer qu"il fut, pendant trente ans, le professeur des Français à la recherche d"un maître.

De l"écriture à l"existentialisme

       Philosophe de formation, Sartre écrit beaucoup pendant ces années: un essai sur l"Imagination (1936), la Transcendance de l"ego (1937) (dans ces premières oeuvres de psychologie phénoménologique, l"influence de Husserl est nettement marquée); un roman, la Nausée (1937); des nouvelles, le Mur (1939), et travaille au cycle romanesque qui deviendra «les Chemins de la liberté» (1945-1949). S"inspirant des techniques de Joyce et des romanciers américains (Faulkner, Dos Passos), Sartre s"efforçe, dans ce roman, de gommer la présence du romancier pour laisser ses personnages rapporter seuls leur expérience immédiate et ne rapporter qu"elle.

       La première forme d"écriture qu"il développe parallèlement à sa réflexion philosophique est l"écriture narrative, romanesque, sans que l"étanchéité entre les deux soit recherchée: au contraire, la Nausée vient d"un essai sur la contingence, et c"est l"existentialisme qui sous-tend l"etre au monde angoissé de Roquentin, le personnage principal, qui tient une sorte de journal étranglé par la conscience de l"existence, cette chose monstrueuse que «personne ne veut regarder en face» (le Mur).

«L"existence précède l"essence»

    Cette vision du monde dominée par le dégoût, le désespoir, l"etre-là gratuit des choses, traversée d"images poisseuses caractérise le premier Sartre, fort méfiant à l"égard des idéologies qui se présentent à lui (marxisme, surréalisme), mais séduit par cette morale existentialiste selon laquelle l"homme doit construire sa manière de vivre, puisque «l"existence précède l"essence» et que l"homme se définit dans sa relation à autrui. Exister, c"est donc etre dans le monde, etre pour autrui, et cette existence doit etre saisie de façon concrète et historique. La liberté est le trait fondamental de l"existentialisme sartrien: puisque Dieu n"existe pas, l"homme est seulement ce qu"il se veut et ce qu"il se fait. La rencontre brutale entre Sartre et l"histoire – mobilisé, prisonnier en Allemagne, d"où il s"évade – incarne cette philosophie, donne un contenu grave aux mots de liberté, de situation, d"engagement. Et c"est l"histoire encore qui leste les esquisses romanesques des «Chemins de la liberté», l"Age de raison, le Sursis, commencés en 1939 et publiés en 1945, la Mort dans l"ame, paraissant en 1949: la fiction se déroule de 1937 à 1940 et, adoptant la technique simultanéiste, mele personnages et intrigues sur fond de lachetés, de vies cloisonnées que l"histoire se charge de faire éclater.

«L"existentialisme est un humanisme»

     À la Libération, Sartre, Simone de Beauvoir et leurs amis – Queneau, Leiris, Giacometti, Vian et Camus (avec lequel les relations sont houleuses) – deviennent brusquement célèbres: les existentialistes, les résistants, la gauche, les jeunes intellectuels qui hantent Saint-Germain-des-Prés sont plus ou moins confondus dans l"esprit du public. Sartre est envoyé aux Etats-Unis par le journal Combat pour couvrir la conférence de Yalta. À son retour, il explique ce qu"est l"existentialisme dans une conférence donnée à Paris: «L"existentialisme est un humanisme.» Il fonde enfin, cette meme année 1945, les Temps modernes. La gloire se mele à la haine: il n"y a peut-etre pas d"intellectuel qui ait été plus obstinément sali que Sartre – par les chrétiens, par les communistes, par la foule des bien-pensants comme par Céline, qui le surnomme «l"agité du bocal».

Le théatre comme tribune

     À partir de ce moment, Sartre, et avec lui Simone de Beauvoir, ne quitte plus le devant de la scène. L"écriture dramatique, découverte en pleine Occupation, inséparable à ses yeux du reste de l"histoire et de l"action collective, achève d"assurer cette célébrité qui s"étend bien au-delà de la France. Sous l"Occupation, il avait écrit et fait jouer les Mouches (1943), l"année meme de la publication de son immense ouvrage philosophique, l"Etre et le Néant – où se manifeste l"influence de Husserl –, ainsi que Huis clos (1944). En 1946, il publie la Putain respectueuse et Morts sans sépulture; en 1948, les Mains sales. Sa conception du théâtre le conduit à refuser le théâtre psychologique et réaliste, fondé sur des héros et des caractères, autant que le théâtre de divertissement.

L"existence mise en scène

     Il prone un théatre ou se débattent les grandes questions contemporaines, au travers de personnages pris dans des situations violentes, extremes, dont l"enjeu est toujours le sens, la liberté, la responsabilité, exigences souvent en contradiction avec l"action. Oreste, dans les Mouches, se définit par le meurtre qu"il accomplit, meurtre juste puisqu"il s"oppose à l"abus de pouvoir et à la tyrannie. Les trois personnages de Huis clos (réunis dans un salon pour l"éternité puisqu"ils sont déjà morts) sont condamnés à jamais à se juger et à etre jugés, chacun étant prisonnier de la conscience d"autrui – d"où la fameuse formule: «L"enfer, c"est les autres».

La logique révolutionnaire

       Des pièces comme les Mains sales, en posant la question de la logique révolutionnaire (qui peut conduire à tuer) et de la conscience qui s"y oppose, ou comme  le Diable et le Bon Dieu (1951), les Séquestrés d"Altona (1959) – la première renvoyant dos à dos Satan et Dieu, tandis que le héros cherche le sens de sa vie à travers l"action, la seconde où un officier nazi tente de comparaître devant un tribunal imaginaire – témoignent de la place éminente de la politique dans ce théâtre: comme en Grèce, la scène est une agora où un peuple épuisé mais exigeant voit exposés les problèmes cruciaux de la cité. D"autres pièces (Kean, adapté de Dumas, 1953; Nekrassov, satire des milieux journalistiques, 1955; ou encore une adaptation des Troyennes, d"Euripides, 1965) disent l"intéret soutenu que Sartre a manifesté pour le théâtre, comme pour les arts de la communication en général: il a écrit plusieurs scénarios de films, et participé à nombre d"interviews, de conférences, d"émissions de radio.

    La Critique de la raison dialectique (1960) marque un tournant. Le marxisme, jusque-là ignoré par Sartre, est désormais admis comme donnée indépassable, mais le projet n"est pas fondamentalement modifié. Les structures socio-économiques apparaissent comme le pratico-inerte, auquel la liberté des hommes aura toujours à se mesurer.

Du combat politique à l"écriture

L"écriture comme manifeste

    Les choix politiques de Sartre, son gout pédagogique l"amènent à multiplier les formes d"intervention.

      La preuve en est son activité continue de journaliste, depuis la collaboration à Combat jusqu"à la direction du journal maoïste la Cause du peuple, celle du trotskiste Révolution, puis celle de Libération. Il faut mettre sur le meme plan, parce qu"elles signifient la meme volonté d"etre là pour témoigner, dénoncer, agir, les nombreuses préfaces à des oeuvres souvent contestataires et marginales (pour Genet, Leibowitz, Fanon), littéraires et politiques: tiers-mondiste convaincu, Sartre a, par exemple, préfacé Senghor et Lumumba. Dans l"émouvante préface-manifeste à la réédition d"Aden Arabie, il réhabilite de façon vibrante son ami Paul Nizan, traîné dans la boue par les communistes. Les dix volumes de Situations(1947-1976) gardent la trace de tout ce travail critique et politique.

Un engagement permanent

       Signes de ses rages, de ses haines et de ses passions, les textes de situations dessinent un parcours politique original – du RDR (Rassemblement démocratique révolutionnaire), reve d"une troisième voie (entre le stalinisme et le gaullisme), au maoïsme, en passant par des étapes complexes et déroutantes pour tous ceux qui l"auraient voulu d"un seul parti, et du leur: prise de position en faveur d"Israël au moment de la création de l"État hébreu, en 1948, précédée des Réflexions sur la question juive (1946), où Sartre pose que la question n"est pas la question juive mais celle de l"antisémitisme; dénonciation des camps de concentration soviétiques, avec Merleau-Ponty, en 1950; bout de chemin avec les communistes lors de la guerre froide, avant que l"intervention soviétique en Hongrie ne consomme la rupture définitive avec le PCF (que Sartre, résumant l"aveuglement passionné des intellectuels français, ne méprisera cependant jamais: «Un anticommuniste est un chien, je n"en démordrai pas!»); anticolonialisme virulent des Temps modernes et de Sartre (il signe le «Manifeste des 121», contre la guerre d"Algérie, et, avec Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir, publie un témoignage sur la torture, Djamila Boupacha, en 1962). Meme colère contre la guerre du Viet-nam, meme engagement en Mai 68 aux côtés des étudiants et des ouvriers.

Un intellectuel curieux et passionné

        Sartre se fait une certaine idée des causes justes: il les aura toutes servies, en intellectuel qui se pose toujours la question de sa responsabilité, de sa part de liberté dans l"histoire face à la violence et au désir de fraternité. Ses nombreux voyages enfin, avec Simone de Beauvoir, elle-meme militante exigeante de causes qu"il ne méprise pas (celle des femmes, par exemple), attentive aussi à la vieillesse et à la souffrance, témoignent d"une meme curiosité et d"une passion infatigable: à Cuba (avant et après la prise du pouvoir par Fidel Castro, qu"il rencontre), en URSS, en Chine, dans la Yougoslavie de Tito, en Égypte, et meme, en 1974, alors qu"il est gravement malade, à Stuttgart, où il s"entretient avec Andreas Baader, dans sa prison.

Le «roman vrai»

    Au sein d"une vie si occupée, l"écriture pourtant tient la place essentielle, et c"est bien à l"écrivain que le prix Nobel de 1964 est destiné. Sartre le refuse, le trouvant trop lié au bloc de l"Ouest. Il le mérite sans doute: romancier, dramaturge, essayiste, philosophe, Sartre est aussi un extraordinaire critique littéraire. Inventeur de «biographies existentielles» consacrées à ces «travailleurs de l"imaginaire», doubles ou frères par lesquels l"auteur de Qu"est-ce que la littérature? (1947) tente de se comprendre – de Baudelaire (1947) à Genet (Saint Genet, comédien et martyr, 1952) et surtout à Flaubert (l"Idiot de la famille, 1971-1972, inachevé) – il fonde une méthode critique très personnelle, qui aboutit au «roman vrai» de l"écrivain considéré et dont le point de départ est toujours le meme: «Comment devient-on un homme qui écrit?» Dans cette confrontation avec les autres imaginaires, la littérature perd sa définition immédiate, engagée, qui consiste à dévoiler le monde afin de le changer et devient chose plus trouble et plus angoissante, pouvoir de néantisation, béance où les etres disparaissent, puisque écrire c"est décider de s"absenter du monde. Étant un authentique écrivain, donc celui qui «a plus ou moins choisi l"imaginaire», Sartre appartient à un âge qu"on peut craindre définitivement révolu, où, pour vouloir changer le monde, il faut aussi proclamer les droits et le pouvoir de l"imagination.

  

 Albert Camus (Mondovi, auj. Deraan, Algérie, 1913 — Villeblevin, Yonne, 1960) écrivain français

       Romancier, dramaturge, essayiste, journaliste et résistant, Albert Camus est peut-etre par excellence la figure de l"écrivain et de l"intellectuel français d"après-guerre. Profondément engagé dans les luttes et les débats de son temps, il continue, malgré les malentendus que sa renommée meme a valus à son oeuvre lucide et sincère, de jouer un rôle majeur dans la littérature du XXe siècle.

      Le souvenir d"une jeunesse misérable semble avoir définitivement orienté une sensibilité que les honneurs n"ont pas détournée: en 1957, à Stockholm, face aux tetes couronnées, le nouveau prix Nobel de littérature rendra, à la tribune, hommage à son instituteur.

Un jeune homme pauvre

    Albert Camus est né à Mondovi en 1913, dans une famille plus que modeste. Survient la Première Guerre mondiale; son père, ouvrier agricole, est tué au front; sa mère s"installe à Alger, dans un modeste logement, et vit de ménages et de menus travaux. Camus dira plus tard comme cette expérience de la pauvreté fut sa véritable école. Son oncle, un boucher amateur de livres, lui donne le goût de la lecture. Mais le jeune homme préfère encore consacrer son temps à l"amitié, aux baignades et au football. Encouragé par son instituteur, il bénéficie d"une bourse qui lui permet de poursuivre ses études au lycée puis à l"université d"Alger, où il obtient son diplôme de philosophie. Mais de santé fragile et craignant la routine, il renonce à enseigner.

L"entrée en littérature

       De 1934 datent son premier mariage, qui ne durera que deux ans, et son adhésion au parti communiste, qu"il quittera trois ans plus tard. S"il se cherche dans la vie, il se trouve dans la littérature. L"Envers et l"Endroit (1937), son premier essai, contient déjà les thèmes majeurs de son oeuvre: le soleil, la solitude, l"absurde destin des hommes. En 1938, Nocesconfirme ses dons d"écrivain et la nature d"une sensibilité à qui la méditation ne peut suffire. Le jeune auteur parvient à concilier son goût pour l"écriture, pour la réflexion et pour l"action en étant journaliste à Alger républicain et animateur d"une troupe de théâtre.

     La guerre vient alors modifier le cours des choses. La censure entraîne la disparition du journal auquel il travaillait, et Camus est écarté de l"armée pour raison de santé.

L"élaboration d"une philosophie

     Il se remarie et quitte l"Algérie pour la métropole. À Paris, il rejoint la Résistance dans le réseau «Combat», pour des missions de renseignement et de journalisme clandestin. Surtout, il travaille déjà à ce qu"on peut nommer le «cycle de l"absurde». De 1940 à 1945, en trois oeuvres majeures, une philosophie s"élabore. Meursault, dans l"Etranger, tue un Arabe presque par hasard et éprouve dans sa cellule l"indifférence du monde. Au théatre, c"est Caligula, incarné par Gérard Philipe, qui entend pousser l"absurdité des choses jusqu"à susciter la révolte. Le Mythe de Sisyphe aborde les memes questions de façon théorique: faute d"un sens à la vie, l"homme peut en dépasser l"absurdité par la «révolte tenace» contre sa condition.

     Ces ouvrages sont à l"origine de ses premiers succès mais aussi des premières critiques et des premiers malentendus. Présenté par la presse comme un philosophe désespéré, il est associé à Jean-Paul Sartre et au courant existentialiste, ce dont il se défend, vainement. Quoi qu"il en soit, il fait maintenant partie de ce qu"on appelle l"«intelligentsia française». Les éditions Gallimard l"accueillent dans leur comité de lecture.

De la révolte au prix Nobel

     Rédacteur en chef du journal Combat à la Libération, Camus prend désormais position sur les grands débats qui secouent le monde: la bombe atomique, les révoltes coloniales, la peine de mort... Il voyage en Algérie, en Amérique et s"émeut partout de la misère des hommes.

      Dès 1947, il a entrepris un nouveau cycle sur la révolte avec un roman, la Peste, ou les hommes sont confrontés au symbole d"un mal insurmontable. Les terroristes russes mis en scène dans les Justes s"interrogent eux aussi sur le sens de leurs actes à la fois meurtriers et justiciers.

Polémiques et crise morale

       Son essai l"Homme révolté provoque une longue et violente controverse: des journalistes l"attaquent, des partis politiques, des écrivains aussi, comme Jean-Paul Sartre ou André Breton, qui lui reprochent des tendances «bourgeoises». Camus se défend, s"explique, répond. La polémique dure un an et finit par le décourager, tandis que sa santé se dégrade. Il se détourne pour un temps du genre romanesque et se consacre à des adaptations dramatiques d"auteurs étrangers: Dostoïevski, Calderón, Buzzati, Faulkner. Il continue par ailleurs d"intervenir en faveur des victimes, de s"élever contre les bourreaux. Ce retour sur soi n"est ni un retrait ni un renoncement. Du reste, la crise qu"il traverse trouve bientôt son expression littéraire et, en 1956, il publie la Chute, un récit qui marque un renouvellement de sa manière: à Amsterdam, loin du ciel méditerranéen, un ancien avocat confesse sa mauvaise conscience et sa culpabilité en un monologue plein d"ironie et de sarcasmes. Un recueil de nouvelles paraît l"année suivante, l"Exil et le Royaume, où s"expriment plus de doutes que de certitudes.

La consécration

        Comme Jonas, le peintre d"un de ses textes, enfermé dans une cage pour échapper aux visiteurs, Camus se sent prisonnier de son public, que celui-ci l"admire ou le conteste. Si la célébrité lui pèse, elle va pourtant atteindre son sommet. En 1957, le prix Nobel de littérature lui est décerné. À quarante-trois ans, il est le plus jeune écrivain jamais distingué à Stockholm. Cette consécration internationale peut augmenter sa fatigue, elle n"entame pas son énergie: il met bientôt en chantier un nouveau roman, le Premier Homme, resté inachevé (et publié, bien après sa mort, en 1994), dont on a pu dire qu"il aurait inauguré un «cycle de l"amour».

      Le 4 janvier 1960, Camus rentre à Paris avec son éditeur. Près de Villeblevin, dans l"Yonne, la voiture percute un arbre. Mort absurde, qui donne pourtant à l"oeuvre son unité. Les Carnets qu"il a laissés témoignent de l"effort constant d"une vie vers la lucidité et l"authenticité.

      Peut-on présumer de la place qu"occupe, qu"occupera Camus dans l"histoire littéraire? La littérature à thèse suscitant aujourd"hui moins d"intéret, Camus pourrait apparaître d"abord comme l"héritier de Montaigne et des moralistes classiques grace à des essais littéraires qui retiennent moins par là solidité d"un système que par la force d"un style au service d"un esprit libre et sincère.

Une oeuvre multiple

     Comme bien des écrivains de sa génération, Camus a voulu pratiquer tous les genres littéraires qui pouvaient contribuer à l"expression de ses idées ou de ses doutes. Aussi est-il plus juste d"articuler ses oeuvres autour des thèmes qu"elles abordent plutôt qu"en fonction du genre dont elles relèvent: le roman, le théâtre et l"essai. Il a lui-meme désigné les deux grands cycles de sa maturité: l"absurde et la révolte. Mais on ne peut négliger ni les essais de jeunesse ni les derniers récits, qui annonçaient sans doute une nouvelle manière, prématurément interrompue.

Ardeur de vivre et absurde

     Du vivant de Camus, les polémiques ont pu faire croire à des revirements successifs. Avec la distance du temps, c"est surtout la cohérence d"un parcours et d"une oeuvre qui s"impose. Les thèmes des premiers essais traversent toute l"oeuvre: l"ardeur de vivre, la passion méditerranéenne du soleil et de la mer. C"est sur une plage ensoleillée que Meursault commet son crime, et les rescapés de la peste retrouvent le goût de vivre lors d"une baignade en mer. La «pensée de midi» par laquelle s"achève l"Homme révolté est aussi celle des Noces et de l"Eté: lucide, solaire, ardente. Mais «tout ce qui exalte la vie accroit en meme temps son absurdité».

      À dire vrai, ce n"est pas le monde qui est absurde, mais le sens que l"homme y cherche, sans le trouver. Sur cette mécanique aveugle et privée de signification se fonde un divorce. Comme Meursault, comme Sisyphe, nous sommes condamnés à pousser sans fin un rocher devant nous. La vie vaut-elle alors d"etre vécue? Oui, car l"homme, dans son inutile effort, est plus grand que son destin puisqu"il peut se révolter contre lui. Telle est sa liberté. «Il faut imaginer Sisyphe heureux.»

Révolte et humanisme

      L"homme n"existe donc que par sa révolte, qui peut prendre mille formes: philosophique, historique, politique, poétique... Mais, entre l"esclavage consenti et la violence révolutionnaire, la création est la vraie liberté, le plus humble et le plus fier effort humain. C"est ce que mettent en pratique les personnages de la Peste. Pourtant, au milieu du XXe siècle, le monde reste convulsif, l"individu inquiet. Camus a le sentiment de n"avoir pu construire une vraie sagesse, et de n"avoir abouti qu"à une mauvaise conscience. Les derniers récits, désenchantés, témoignent d"un échec, d"un pessimisme tenace. Ce qui reste de cette remise en cause, c"est la vérité, la noblesse de l"homme, «la vie joyeuse et déchirée» célébrée dans le Discours de Suède.

     C"est pourquoi le mot «existentialiste» définit moins Camus que celui d"«humaniste». Qu"importe si les questions ne trouvent pas de réponses? L"humanisme peut s"accomplir dans l"inquiétude, fixer sur elle sa conscience, sa mesure et ses limites. La générosité et la vertu ont-elles besoin d"espérance? Faute de sainteté, d"héroïsme et de sagesse, il convient avant tout d"etre un juste. Nul doute que Camus l"ait été.

Un style au service de l"idée

      Les idées ne sont rien sans leur expression. Et l"oeuvre de Camus est celle d"un écrivain, non d"un philosophe. Il l"a dit lui-meme sans dissiper cet autre malentendu. De meme qu"il n"a pas voulu se cantonner à un genre, il s"est gardé de limiter son style à un seul registre. «J"ai adapté la forme au sujet, voilà tout.» En effet, selon le sujet ou le personnage, l"écriture change: neutre pour Meursault dans l"Etranger; rigoureuse, objective et pourtant passionnée pour la chronique de la Peste; ironique pour Clamence dans la Chute. Si les articles usent d"une prose impeccable et vibrante, où le mot va droit à l"idée, sans effets ni sécheresse, c"est peut-etre dans les essais littéraires que s"affirme surtout la maîtrise d"un langage personnel. Mieux que des arguments, les images, les rythmes composent une méditation lumineuse, un hymne à la beauté et à l"ardeur. Parallèlement, alors qu"il revient dans l"Etéau lyrisme magique des Noces, Camus, dans les derniers récits, devient moraliste et poète. Le ton de la confidence remplace celui des discours. «Les styles, disait-il, ne sont pour moi qu"un moyen.»

 

 




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